Le ton monte entre certains parlementaires et le gouvernement sur le sujet des autoroutes. Le ministre délégué en charge des Transports en a fait brièvement les frais la semaine dernière, lors d’un débat organisé au Sénat, l’occasion de mettre pas mal de questions sur la table… Mais, entre esquives et mauvaise foi, certaines sont restées sans véritable réponse.
En introduction du débat sur les autoroutes au Sénat jeudi, le ministre délégué en charge des Transports s’est dit prêt à dresser « un bilan critique (…) sans complaisance, ni démagogie » sur les concessions, souvent décriées depuis leur privatisation en 2006. Mais force est de constater que, sur les sujets qui fâchent, Jean-Baptiste Djebbari s’est évertué à botter en touche, à nier les problèmes, et à se poser surtout contre le « concession bashing » qui selon lui « ne fait pas progresser le débat ».
Faudrait-il aussi retenir une espèce de « ni, ni » de la part du gouvernement - « ni renationalisation, ni prolongation des contrats », comme l’a entendu Vincent Delahaye, le rapporteur de la commission d’enquête sur les concessions autoroutières en 2020, et qui était à l’initiative de ce débat ? Comme le sénateur centriste l’a lui-même souligné, le second « ni » paraissait tout de même bien « plus timide » que le premier. Caradisiac qui a suivi les discussions en direct a eu bien du mal, faut-il le reconnaître, à le percevoir…
Une énième rallonge des contrats enterrée ?
Sur l’interruption des contrats, la réponse à cette question « est très clairement non », a asséné le ministre, « car ce serait non seulement une gabegie financière, plus de 47 milliards d’euros [le coût estimé pour renationaliser les contrats, NDLR], une entrave au droit des contrats et, ce faisant, un affaiblissement de l’État de droit. » De ce côté-là, ça ne manquait pas de clarté en effet. Mais à l’inverse…
« Je sais que certains d’entre vous y sont favorables sur ces bancs », a-t-il poursuivi sur le sujet de leur éventuelle prolongation. Cependant, « le monde a changé, le besoin aussi. À trop vouloir changer les contrats du passé, nous risquerions d’accroître leur déconnexion avec les attentes des Français. Assurément pour autant ces contrats doivent être modernisés »… Comprendra qui pourra qu’il suggérait-là de ne pas les prolonger ! Quant à leur modernisation, il s’agit de « mieux prendre en compte les questions environnementales au sens large et trouver des mécanismes pour une plus grande modération tarifaire », laquelle passerait par exemple par des péages abaissés en faveur des véhicules électriques et/ou en cas de covoiturage.
Un énième projet de travaux - ou d’extension des concessions à quelques kilomètres de nationales - en échange d’une énième rallonge des contrats ne subsiste-t-il pas dans les tiroirs du ministère ? Un projet que les dernières publications et révélations sur les autoroutes auraient d’ailleurs (temporairement ?) enterré ? C’est en tout cas ce qui se susurre en coulisses. Et nul doute que, si tel est le cas, les sociétés concessionnaires d’autoroutes (SCA) font tout pour le ranimer. C’est écrit noir sur blanc dans le rapport annuel de Vinci en 2015 : l’un des leviers de sa stratégie « consiste à prolonger les contrats existants en contrepartie de programmes d’investissements ; le Plan de relance autoroutier en est l’exemple ».
Ce Plan de relance autoroutier (PRA) fait partie du protocole d’accord signé en 2015 entre l’État, représenté à l’époque par le ministre de l’Économie, Emmanuel Macron, et la ministre de l’Écologie, Ségolène Royal, et les SCA dites historiques - Vinci (ASF, Cofiroute, Escota), Eiffage (APRR, Area) et Abertis (Sanef, SAPN). Ce plan prévoit de nouveaux travaux évalués à 3,27 milliards d’euros, et en échange, les contrats des SCA sont en moyenne rallongés de 2,5 années. Il fait surtout partie de ces sujets qui fâchent signalés en préambule…
Pour le ministre, le PRA n’est pas un cadeau !